« S!NG » : une nouvelle collection de poésie dirigée par Pierre Vinclair

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Dans la continuité du projet Catastrophes, la revue en ligne qu’il co-anime, le poète Pierre Vinclair met en valeur les plumes brillantes de la poésie française et étrangère dans une collection publiée aux éditions Le Corridor bleu.

À seulement 37 ans, Pierre Vinclair est une des voix les plus importantes de la poésie actuelle. Si ses derniers recueils ont été salués (Le Cours des choses, chez Flammarion et Sans adresse aux éditions Lurlure, tous deux publiés en 2018), c’est aussi via Catastrophes, sa revue poétique, que l’auteur qui a vécu à Shanghai et à Singapour est devenu un acteur incontournable de la poésie française. Et le voilà désormais directeur d’une nouvelle collection dédiée à la poésie et appelée « S!NG » aux éditions Le Corridor bleu, dans laquelle il publie deux premiers ouvrages : Je ressemble à une cérémonie de Julia Lepère et La Loi des remariages de Christine Chia.

Racontez-nous : comment en êtes-vous venu à créer et diriger une collection poétique au Corridor bleu ? 

Pierre Vinclair : Je travaille avec Charles-Mézence Briseul, directeur du Corridor, en tant qu’auteur depuis une dizaine d’années. Il y a donc une relation de confiance entre nous. En 2017, j’ai voulu faire une pause d’écriture et j’ai créé la revue en ligne Catastrophes. Le projet a bien marché et j’ai commencé à imaginer quelque chose à plus grande échelle : c’est-à-dire sur papier. J’en ai donc parlé à Charles-Mézence Briseul qui a publié le premier numéro papier de Catastrophes fin 2018. La collection « S!NG » est une continuité de Catastrophes.

Comment abordez-vous ce nouveau rôle de directeur de collection ? 

P. V. : Comme le montre ma revue, cela fait un moment que j’ai la volonté de montrer et de défendre certaines poésies. Je vois ça un peu comme le Wu-Tang Clan, une sorte de projet multiple composé de personnalités bien différentes et de possibles produits dérivés mais dont l’essence est d’être un groupe. Je me situe certes au centre de ce groupe, mais ne suis pas seul. J’aime l’idée du collectif.

Ce collectif qui profite tout de même de votre excellente réputation en tant que poète…

P. V. : Ma petite reconnaissance dans le milieu vient surtout de Catastrophes selon moi. Je vois aussi ce nouveau rôle comme un moyen d’être tout le temps dans la poésie sans avoir besoin d’écrire constamment de la poésie. Dans la nouvelle collection que je dirige pour le Corridor bleu, je ne m’occupe d’ailleurs que de l’éditorial et jamais de questions de mise en page, d’impression, etc. Mon rôle est de pousser le livre à son potentiel maximum en m’aidant de mes quinze ans d’expérience dans le genre.

Les deux premières publications de la collection sont signées par deux femmes. Est-ce une volonté de votre part ? 

P. V. : Oui et non. Je ressemble à une cérémonie est le premier recueil de Julia Lepère dont j’avais déjà publié quelques textes dans Catastrophes. À l’époque je venais de monter la revue avec deux hommes (Laurent Albarracin et Guillaume Condello) et je cherchais donc une auteure pour rééquilibrer un peu la chose. J’aime beaucoup sa poésie, à la fois très incarnée et tout en retenue. De même pour Christine Chia que j’ai découvert quand je vivais à Singapour en cherchant des auteurs locaux à traduire pour la revue et dont j’ai finalement traduit deux recueils entiers présents dans l’ouvrage.

La poésie de Christine Chia, assez prosaïque et faussement simpliste, ressemble à la jeune poésie américaine contemporaine, très populaire en pays anglophone et totalement absente chez nous…

P. V. : Oui, elle écrit d’ailleurs en anglais et est très influencée par la poésie new-yorkaise, ville où elle est reconnue et célébrée. C’est aussi ce genre de voix que je veux proposer dans la collection. La prochaine publication, qui sortira en décembre, est d’ailleurs l’œuvre d’une américaine : Odes de Sharon Olds, un recueil très puissant [dont la dernière œuvre, Arias, vient d’être nominée pour le T.S. Eliot Prize 2019, ndlr]. 

Pour terminer, comment résumeriez-vous la ligne éditoriale de « S!NG » en quelques mots ?

P. V. : Notre ligne, c’est de la poésie qui a quelque chose à dire tout en étant exigeante formellement. C’est-à-dire ni lyrique ni expérimentale, mais plutôt : les deux à la fois.

Propos recueillis par Thomas Deslogis.

Extraits

Extrait de « Je ressemble à une cérémonie » de Julia Lepère :

Au centre de ton visage je défais la poussière,
me donnant la caresse exiguë que les arbres refusent
je ressemble à une cérémonie
que les fleurs encerclent que les lumières cernent que les paroles oublient

Couverture du livre de Julia Lepère

Extrait de « La Loi des remariages » de Christine Chia (traduit de l’anglais par Pierre Vinclair) : 

SEPT

Ils se battaient.
La porte était fermée à clé.
On essayait de voir quelque chose, n’importe quoi
depuis la fenêtre,
et de lire les ombres dans leur chambre.
Un cri perçant.
Ma mère sortit en courant,
avec du sang partout sur son polo blanc
nouant ses cheveux
et gouttant sur le sol, puis étalé par ses tourbillons furieux.
On l’envoya à l’hôpital. Sept points de suture,
pendant que lui descendant boire une nouvelle bière,
pour bien dormir.
Je commençai l’école
le lendemain matin,
son sang toujours collé au mur,
et me fis sept nouveaux amis.

© littercon


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Dans la continuité du projet Catastrophes, la revue en ligne qu’il co-anime, le poète Pierre Vinclair met en valeur les plumes brillantes de la poésie française et étrangère dans une collection publiée aux éditions Le Corridor bleu.

À seulement 37 ans, Pierre Vinclair est une des voix les plus importantes de la poésie actuelle. Si ses derniers recueils ont été salués (Le Cours des choses, chez Flammarion et Sans adresse aux éditions Lurlure, tous deux publiés en 2018), c’est aussi via Catastrophes, sa revue poétique, que l’auteur qui a vécu à Shanghai et à Singapour est devenu un acteur incontournable de la poésie française. Et le voilà désormais directeur d’une nouvelle collection dédiée à la poésie et appelée « S!NG » aux éditions Le Corridor bleu, dans laquelle il publie deux premiers ouvrages : Je ressemble à une cérémonie de Julia Lepère et La Loi des remariages de Christine Chia.

Racontez-nous : comment en êtes-vous venu à créer et diriger une collection poétique au Corridor bleu ? 

Pierre Vinclair : Je travaille avec Charles-Mézence Briseul, directeur du Corridor, en tant qu’auteur depuis une dizaine d’années. Il y a donc une relation de confiance entre nous. En 2017, j’ai voulu faire une pause d’écriture et j’ai créé la revue en ligne Catastrophes. Le projet a bien marché et j’ai commencé à imaginer quelque chose à plus grande échelle : c’est-à-dire sur papier. J’en ai donc parlé à Charles-Mézence Briseul qui a publié le premier numéro papier de Catastrophes fin 2018. La collection « S!NG » est une continuité de Catastrophes.

Comment abordez-vous ce nouveau rôle de directeur de collection ? 

P. V. : Comme le montre ma revue, cela fait un moment que j’ai la volonté de montrer et de défendre certaines poésies. Je vois ça un peu comme le Wu-Tang Clan, une sorte de projet multiple composé de personnalités bien différentes et de possibles produits dérivés mais dont l’essence est d’être un groupe. Je me situe certes au centre de ce groupe, mais ne suis pas seul. J’aime l’idée du collectif.

Ce collectif qui profite tout de même de votre excellente réputation en tant que poète…

P. V. : Ma petite reconnaissance dans le milieu vient surtout de Catastrophes selon moi. Je vois aussi ce nouveau rôle comme un moyen d’être tout le temps dans la poésie sans avoir besoin d’écrire constamment de la poésie. Dans la nouvelle collection que je dirige pour le Corridor bleu, je ne m’occupe d’ailleurs que de l’éditorial et jamais de questions de mise en page, d’impression, etc. Mon rôle est de pousser le livre à son potentiel maximum en m’aidant de mes quinze ans d’expérience dans le genre.

Les deux premières publications de la collection sont signées par deux femmes. Est-ce une volonté de votre part ? 

P. V. : Oui et non. Je ressemble à une cérémonie est le premier recueil de Julia Lepère dont j’avais déjà publié quelques textes dans Catastrophes. À l’époque je venais de monter la revue avec deux hommes (Laurent Albarracin et Guillaume Condello) et je cherchais donc une auteure pour rééquilibrer un peu la chose. J’aime beaucoup sa poésie, à la fois très incarnée et tout en retenue. De même pour Christine Chia que j’ai découvert quand je vivais à Singapour en cherchant des auteurs locaux à traduire pour la revue et dont j’ai finalement traduit deux recueils entiers présents dans l’ouvrage.

La poésie de Christine Chia, assez prosaïque et faussement simpliste, ressemble à la jeune poésie américaine contemporaine, très populaire en pays anglophone et totalement absente chez nous…

P. V. : Oui, elle écrit d’ailleurs en anglais et est très influencée par la poésie new-yorkaise, ville où elle est reconnue et célébrée. C’est aussi ce genre de voix que je veux proposer dans la collection. La prochaine publication, qui sortira en décembre, est d’ailleurs l’œuvre d’une américaine : Odes de Sharon Olds, un recueil très puissant [dont la dernière œuvre, Arias, vient d’être nominée pour le T.S. Eliot Prize 2019, ndlr]. 

Pour terminer, comment résumeriez-vous la ligne éditoriale de « S!NG » en quelques mots ?

P. V. : Notre ligne, c’est de la poésie qui a quelque chose à dire tout en étant exigeante formellement. C’est-à-dire ni lyrique ni expérimentale, mais plutôt : les deux à la fois.

Propos recueillis par Thomas Deslogis.

Extraits

Extrait de « Je ressemble à une cérémonie » de Julia Lepère :

Au centre de ton visage je défais la poussière,
me donnant la caresse exiguë que les arbres refusent
je ressemble à une cérémonie
que les fleurs encerclent que les lumières cernent que les paroles oublient

Couverture du livre de Julia Lepère

Extrait de « La Loi des remariages » de Christine Chia (traduit de l’anglais par Pierre Vinclair) : 

SEPT

Ils se battaient.
La porte était fermée à clé.
On essayait de voir quelque chose, n’importe quoi
depuis la fenêtre,
et de lire les ombres dans leur chambre.
Un cri perçant.
Ma mère sortit en courant,
avec du sang partout sur son polo blanc
nouant ses cheveux
et gouttant sur le sol, puis étalé par ses tourbillons furieux.
On l’envoya à l’hôpital. Sept points de suture,
pendant que lui descendant boire une nouvelle bière,
pour bien dormir.
Je commençai l’école
le lendemain matin,
son sang toujours collé au mur,
et me fis sept nouveaux amis.

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